Les lecteurs de science-fiction sont coutumiers de cette sensation : être propulsés dans un monde qu’ils n’arrivent pas à appréhender d’emblée, mais que l’intrigue leur laisse le temps de découvrir et d’explorer, en même temps qu’ils y trouvent le plaisir intellectuel de comprendre les lois qui régissent son fonctionnement.

Mais il arrive que les phénomènes et les objets dépeints par la science-fiction semblent défier jusqu’aux lois de la physique, et constituer un point d’achoppement pour l’intelligence humaine, amenée par là-même à éprouver ses propres limites.

Ces entités, les récits de SF parviennent pourtant à nous les faire imaginer dans leur mystère insondable : par exemple, les fameux Big Dumb Objects, ces vaisseaux ou objets non identifiés aux proportions gigantesques (tels que celui de l’Anneau-monde de Larry Niven ou du Rama de Arthur C. Clarke), qui constituent presque un sous-genre à part entière. 

Des auteurs d’Europe de l’est comme Stanislas Lem ou Boris et Arkadi Strougatski donnent toute sa mesure à l’incapacité pour l’être humain à appréhender des phénomènes  : dans Solaris, les scientifiques de la station spatiale ont affaire à une forme d’altérité totale, les multitudes de données récoltées échouant même à voir se dessiner quelque chose comme des régularités, et encore moins des lois… dans Stalker, la perspective est inversée, puisque c’est après une visite extra-terrestre que les humains se heurtent à une incapacité ne serait-ce que d’entrevoir la fonction des artefacts laissés sur place. 

Entre sense of wonder et pessimisme épistémologique, il semble donc que l’on touche ici à un pôle limite dans la représentation de l’altérité en science-fiction.