« C’est pour cette raison que j’aime les romans : », écrivait Ursula K. Le Guin en 1986 dans Danser au bord du vide, « au lieu de héros, ils contiennent des gens. » 

La fantasy semble plutôt associée à des exploits mythiques, au registre de l’épique et du récit de bataille, plein de fougue et d’épées bien aiguisées.

Les réflexions d’Ursula K. Le Guin sur la notion de « fiction-panier » poussent à entrevoir d’autres formes de narration possibles, qui ne se réduisent pas au conflit ou aux trajectoires individuelles de héros belliqueux et puissants.

« C’est clair que le Héros n’a pas l’air très bien dans ce sac, en définitive. Il a besoin d’une scène, d’un piédestal ou d’un pinacle. Mettez-le dans un panier, et il a l’air d’un lapin, d’une patate. »

Le Cycle de Syffe de Patrick K. Dewdney, en plongeant un personnage d’orphelin dans un monde complexe et brutal, prend une dimension initiatique au sein d’un monde construit sur des postulats qui relèvent du matérialisme historique.

Un long voyage, premier roman de Claire Duvivier, déjouait les attentes du lecteur en nous apprenant que le personnage principal d’une histoire de fantasy n’était pas nécessairement celui ou celle promis·e à un grand destin, et qu’un héros pouvait en cacher un autre.

Quant à Guillaume Chamanadjian, dans Le sang de la cité (l’un des deux points de départ d’un singulier projet à quatre mains), il choisit un protagoniste issu du peuple, un commis d’épicerie amateur de poésie, aux prises avec des luttes de pouvoir qui le dépassent.

Jugeant qu’il y avait des résonances intéressantes entre leurs œuvres respectives, nous souhaitions les inviter à dialoguer, à partir de ce point de départ, de leur rapport à la figure du héros, aux tropes de la fantasy et à leur plasticité, à la possibilité d’inventer de nouvelles manières de raconter les histoires tout en s’inscrivant dans un genre où l’héritage des auteurs canoniques, des grands cycles et des grandes épopées, semble aussi prégnant.