Abstraction faite du savant fou, le personnage du scientifique a pour vocation première d’incarner l’éthique positiviste du progrès. Cependant, si la science-fiction fait du savant un acteur de premier plan, elle a aussi toujours pris un malin plaisir à écorner sa posture d’observateur neutre, aspirant uniquement à une recherche de la connaissance pure et désengagée.

Ce personnage, de par sa fonction, constitue un sujet incontournable pour appréhender les enjeux véhiculés par la science et son corollaire, le progrès. La science-fiction s’ingénie à interroger en permanence la dualité philosophique entre sujet et objet, entre faits et valeurs. 

On ne saurait occulter que le réel prend toujours à parti l’observateur scientifique, qui ne peut qu’interagir avec le monde qui l’entoure : le thème de l’exploration spatiale, à cet égard, est l’occasion de mettre à l’épreuve les scientifiques les mieux intentionnés, confrontés aux implications irréversibles de leurs recherches sur les écosystèmes qu’ils étudient (Apprendre si par bonheur, Becky Chambers, 2019).

Humain trop humain, le scientifique ne saurait être également indifférent à tout ce qu’il voit, jusqu’à la tentation de briser son serment de non-ingérence, à l’image du protagoniste d’Il est difficile d’être un dieu (Boris et Arkadi Strougatski, 1964). 

Que reste-t-il en fin de compte de sa supposée neutralité ? Peut-on en effet imaginer des savant·e·s coupé·e·s du monde, à l’image des avôts d’Anatèm (Neal Stephenson, 2008), s’adonnant à l’amour du savoir à l’abri de sanctuaires clôts sur eux-mêmes ?