Le roman maritime moderne puise ses sources dans le récit de navigation et d’exploration, l’histoire coloniale du continent européen, les guerres impérialistes entre États-nations. À cet égard, la mer incarne un espace de conquête militaire, où peuvent se faire et se défaire les fortunes des Empires aussi bien que les légendes personnelles ; un espace d’échanges culturels et de transactions marchandes aussi, avec, moins romancé mais tout aussi réel et documenté, l’enfer vécu par les populations réduites en esclavage lors des traversées transatlantiques…

Outre ces éléments historiques, la mer semble être un espace de projection romanesque à nul autre pareil, avec sa propre temporalité (le temps suspendu du voyage), ses légendes et ses mythes, ses contraintes matérielles rappelant à l’humain qu’il aurait bien du mal à se rendre maître et possesseur de la nature. La mer peut être un espace d’exil, d’asservissement et de mort, tout comme représenter une échappatoire, l’ouverture vers de nouveaux possibles et la conquête d’une liberté (l’utopie pirate de Libertalia). Quel héritage les littératures de l’imaginaire partagent-elles avec la littérature maritime ? 

La fantasy semble en avoir conservé toute l’ambivalence. La science-fiction quant à elle ne s’y est pas trompée en allant chercher dans Utopia de Thomas More la source de ses déclinaisons maritimes, le space opera et le planet opera, où – à une extrapolation d’échelle et quelques contraintes techniques près – les planètes apparaissent comme autant d’îles ou de continents. Dans la fiction, la mer est également le support privilégié pour parler du rapport au changement, à l’inconnu et à l’errance, aux situations ambivalentes ; la mer comme élément de trouble et d’instabilité permanente où peuvent se voir transgressées toutes sortes de normes et de frontières.

Nous interrogerons trois auteur·ices d’imaginaire ayant écrit des romans maritimes sur leur rapport à la mer et ses représentations, et ce qu’ils y ont projeté dans leur œuvre.