Le public de science-fiction se montre volontiers soucieux des conséquences de l’emprise du numérique sur tous les aspects de la vie (qu’on pense à la série Black Mirror ou aux oeuvres d’Alain Damasio). Récemment, la question de l’IA, de la création et de la propriété intellectuelle agite – à raison – les auteur·ices comme le public.

Toutefois, les infrastructures techniques du numérique, de même que son économie et les rapports de pouvoir qui y sont liés, sont des sujets moins souvent creusés : le cyberpunk s’en est emparé, mais ses fondateurs se projetaient dans un domaine dont ils n’avaient pas encore connu le développement, et malgré leur caractère visionnaire sur bien des aspects, les grandes oeuvres du genre manquent parfois de vraisemblance en matière technique (ou se limitent à cet effet de réel). Aujourd’hui, notre imaginaire au sujet du numérique a été bercé par les mythes de la Silicon Valley ; et dans ses critiques, la SF tend à privilégier la question des usages, déplorant par exemple le triomphe du virtuel sur la tangibilité et l’authenticité du monde ou des rapports humains. 

Pourtant, le numérique est tout sauf immatériel. C’est ce que montre l’ouvrage de Fanny Lopez, A bout de flux (éd. Divergences, 2022), en nous donnant à voir les infrastructures d’internet, ou ceux de Cédric Durand (Techno-féodalisme, éd. Zones, 2020 ; Faut-il se passer du numérique pour sauver la planète ?, éd. Amsterdam, 2025) nosur les rapports de production et l’économie du numérique. 

L’enjeu des imaginaires réside peut-être précisément dans l’opacité que revêtent pour nous ces aspects matériels et concrets. En compagnie de ces deux chercheur·ses et d’un auteur de SF ingénieur en cybersécurité, nous irons explorer l’envers du décor et tenterons d’esquisser des pistes pour une possible émancipation… du numérique ou avec lui, mais autrement.