UNE AUTRE LETTRE POUR DEMAIN par Les Intergalactiques
Cher·es ami·es, bénévoles, auteur·ices, éditeur·ices, partenaires et festivalier·es,
En cette fin du mois de juin, nous aurions souhaité vous annoncer les grandes lignes de notre programmation pour 2025 et son intitulé : “Que faire ?”.
Les résultats des élections européennes, l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par E. Macron et le tic-tac de la campagne des législatives anticipées, ont accéléré le temps avec une fulgurance digne d’un roman de Robert Charles Wilson. Avec le parti du FN/RN aux portes du pouvoir, pour paraphraser une intervenante lors d’une émission de Mediapart : “on pensait avoir 3 ans, on a [eu] 3 semaines.”
Réuni·es avant tout par notre passion de la science-fiction et du cinéma, de la bande dessinée et des littératures de l’imaginaire, de leurs avatars ludiques et vidéoludiques – en bref, émanant pour beaucoup des vastes ramifications de la culture geek, nous, l’équipe des Intergalactiques, nous retrouvons autour de la conviction que la science-fiction, comme d’autres imaginaires qui lui sont cousins, s’ancre et s’inspire avant tout du réel : un ici-et-maintenant résultant d’un ensemble de causalités historiques complexes qu’elle a la capacité de mettre à distance par l’entremise de la fiction et des images ; une capacité d’inventer des possibles, de nourrir les imaginaires collectifs de récits non seulement critiques, mais aussi émancipateurs, proposant des alternatives et des bifurcations face à la version de la réalité qu’on tenterait de nous imposer.
Si l’imaginaire science-fictif a aussi eu, et conserve encore aujourd’hui, des composantes néo et ultra-libérales, réactionnaires voire fascisantes, le genre s’est toujours nourri d’une contre-culture tenace : de nouveaux courants, de nouvelles voix ne cessent d’émerger, aux tonalités anticapitalistes et pacifistes, décoloniales et antiracistes, féministes, queer et LGBTQI, qui contribuent à la richesse de ces imaginaires et bien souvent à placer cette littérature à l’avant-garde.
Réservons aux programmations passées (et futures, on l’espère !), les réflexions et considérations sur la richesse et la diversité de ces fictions, leurs formes, leurs continuités thématiques et les questionnements qu’elles soulèvent. Nous vous invitons d’ailleurs à lire et diffuser, si ce n’est déjà fait, la tribune signée par les actrices et acteurs de l’imaginaire, et celle des librairies indépendantes antifascistes, auxquelles nous adhérons naturellement.
Nous allons essayer d’être concis·es :
- L’imaginaire science-fictif possède en son ADN une curiosité et une soif d’altérité, de compréhension de l’autre, qui le rendent, nous en sommes convaincu·es, absolument incompatible avec les valeurs racistes, antisémites, sexistes, homophobes, transphobes, validistes… portées par l’Extrême droite et banalisées avec plus ou moins d’opportunisme et de complaisance par celles et ceux, patrons, médias, gouvernements successifs, qui lui ont ouvert grand la voie.
- En tant qu’événement culturel, notre utilité s’il en est une, se construit dans le temps et l’incompressible saisonnalité des festivals. Actuellement, nous tâchons d’oeuvrer, chacun·e d’entre nous, à notre échelle et dans les espaces (tribunes, manifestations, militantisme…) qui nous paraissent les plus adéquats à l’urgence de la situation, pour non seulement faire barrage à l’extrême-droite, mais aussi faire gagner la seule force politique capable d’y opposer une réponse ferme et une alternative conséquente. Nous vous encourageons à faire de même, en commençant, si vous le pouvez, par aller voter demain !
- Festival lyonnais, Les Intergalactiques sont bien placés pour savoir que sous ses dehors lissés, le Rassemblement National fraie toujours avec des mouvances identitaires, violentes, que la récente dissolution de certains de leurs groupes les plus identifiés et virulents, agissant depuis leurs bastions du Vieux-Lyon, n’empêchera pas de continuer à sévir – notamment, tant que la préfecture n’aura pas fermé leurs locaux. Nous ne pouvons qu’imaginer l’intensité de violence qui pourrait déferler demain soir et les jours qui suivront, en cas de victoire du RN. Nous savons aussi qu’il est possible, et nécessaire, de les combattre sur tous les fronts.
- Festival implanté historiquement dans une MJC de quartier, dont les deux salarié·es (l’une à mi-temps, l’autre à plein-temps au SMIC) sont tributaires de dispositifs d’aides maintes fois mis à mal au gré des réformes, nous sommes bien placé·es pour savoir combien les soutiens à la culture sont déjà ténus, et comme la situation peut s’aggraver très vite (la politique culturelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, depuis trois ans, en est la preuve).
- Mais nous voyons aussi combien la société civile, les associations, les bénévoles, sont les véritables forces vives qui contribuent à faire exister ces lieux d’ouverture à tous·tes, proposant des activités, des spectacles, des festivals… bref, ces lieux de richesse, de diversité culturelle et d’éducation populaire que sont les MJC : des lieux d’utopie concrète dont nous souhaitons réactiver les imaginaires.
- Enfin, nous avons conscience de parler depuis nos centres urbains, sachant aussi combien de nombreux autres territoires, par la casse des services publics, la paupérisation et l’enclavement, deviennent un terreau pour le vote FN/RN.
Mais ne nous laissons pas berner par les discours des fascistes et de leurs supplétifs : ce n’est pas la recherche du vivre-ensemble qui les anime, c’est remettre de l’ordre par la division, en attisant la haine des plus opprimé·es que soi.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, les Intergalactiques souhaitent continuer à se mobiliser à leur échelle.
Quels que soient les résultats des élections prochaines, nous comptons prendre notre part dans le combat pour contrecarrer les imaginaires d’extrême-droite.
Lecteur·ices de science-fiction, nous le savons aussi : l’histoire n’est jamais écrite à l’avance.