La prolifération et l’accumulation des objets est, depuis l’après-guerre, un phénomène à croissance exponentielle, voire vertigineuse. Les imprimantes 3D décuplent aujourd’hui la possibilité de concevoir et façonner une incroyable gamme d’objets ayant pour point commun le plastique, matériau privilégié et omniprésent dans notre société de consommation. 

L’ironie, c’est qu’au regard de la durabilité de leur matière, ce sont leurs usages qui sont périssables, ridiculement éphémères, car voués à subir la loi d’une obsolescence programmée. Pourtant, ces mêmes objets, le philosophe Jean Baudrillard les analysait comme un système symbolique, lorsqu’il commentait le développement de la société mercantile et publicitaire. Car loin de se réduire à leur seule matérialité à vocation utilitariste, ces objets s’avèrent aussi chargés de sens et d’affect.

Que deviennent-ils, une fois que la société qui les a produits a disparu ? Dans la bande dessinée Plastok, Nicolas Signarbieux dessine, à hauteur d’insectes, un univers post-apo d’où l’humanité a disparu, et où le plastique a pris un sens divin. De quoi donner au tristement fameux “7éme continent” des allures de Terre promise…

Plus proche de notre temps, le dernier album de Paul Rey, Le syndrome de l’iceberg, nous transporte à la fois dans un futur d’objets connectés, interfaces vocales encadrant la vie quotidienne, et au Japon, où la culture shintoïste investit les objets d’une âme. 

Enfin, la ville post-apo de Cosmopolis, toute entière fabriquée en pièces lego, est présentée à chaque édition des Intergalactiques depuis 2019. Issue de l’imagination foisonnante de son créateur Raphaël Colson, elle se dote chaque année de nouveaux quartiers, de nouveaux personnages et de nouvelles histoires.

Chacun à leur manière, nos invités rappellent à quel point l’imaginaire science-fictif est polyphonique, en s’exprimant tout autant par le biais des mots, des images, que par la construction ludique. Ils témoignent aussi de la manière dont ils s’emparent des artefacts pour se les réapproprier et nous faire entrevoir ce que cette étrange société des objets peut nous offrir en tant qu’espace de création et de réflexion…